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Cela a pris environ un an mais j’ai tranquillement abandonné les études sur le hockey. Je voulais écrire un dernier article pour Hockey dans la Société il y a des mois de ça mais, pour être honnête, je ne savais pas vraiment quoi dire, où arrêter, comment conclure. J’ai passé onze ans à étudier la masculinité et le hockey sur glace et, à plusieurs égards, je ne suis pas encore prête à cesser, mais je pense qu’il est temps de passer à autre chose, même si c’est juste temporaire. J’ai encore un livre coédité sur le hockey qui va sortir à l’automne de 2021 et j’espère organiser l’édition 2021 de la Hockey Conference de 2020 mais mes recherches officielles sur le hockey sont terminées. Mon engagement avec les médias à propos du hockey est aussi fini à l’exception des quelques entrevues qui pourraient, selon moi, rehausser mon profil en préparation pour la suite de ma carrière.

Le catalyseur pour mon dernier article de blogue (pour l’instant) pour Hockey dans la Société
Alors que je cherchais ces derniers mois les mots pour organiser mes pensées de façon éloquente, une situation importante se développait dans ma ville natale de Moncton au Nouveau-Brunswick, Canada. Un jeune homme du nom de Yanic Duplessis, qui avait joué Moins de 18 ans (M18) Majeur et a été repêché dans la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec, était en train de faire son coming out en tant que jeune homme ouvertement gai. Ma thèse de doctorat portait sur les attitudes envers l’homosexualité au hockey dans la catégorie M18 au Canada alors cet événement semblait un symbole approprié pour la fin de mon parcours. Dans mon petit monde personnel je trouvais qu’il y avait eu des changements réels. Je vais donc utiliser cet article de blogue pour partager un peu ma connexion indirecte avec Yanic et ensuite, en utilisant les connaissances que j’ai accumulées jusqu’à présent, je vais présenter cinq facteurs que la communauté du hockey devrait considérer dans le contexte d’un athlète dans le placard. Cela inclut les instances dirigeantes, les fans, les entraineurs, les coéquipiers, les médias, l’athlète et sa famille. Je vais toujours être disponible pour aider dans ce processus parce que, pour moi, c’est une question de décence. Mais je pense qu’il est important de parler de ce sujet alors que j’effectue ma sortie professionnelle. J’ai gardé le dernier paragraphe de cette publication pour vous dire ce que je vais faire maintenant !
Ayant été une spécialiste du hockey au niveau national, mon implication personnelle dans la communauté du hockey n’a pas toujours été évidente. Il n’y a pas eu beaucoup d’information publique à propos de choses comme ma carrière très courte de joueuse, pour quelles organisations dans ma communauté j’ai fait du bénévolat ou ai été invitée à parler, et comment mes amis, ma famille, et mes partenaires romantiques ont été impliqués dans le sport. Sans doute que tout ça n’est pas pertinent pour mes recherches mais, selon moi, ma vie personnelle et ma vie professionnelle se sont chevauchées de plusieurs façons. La décision de Yanic Duplessis de faire son coming out a été en partie motivée par l’émission In Conversation with Ron McLean où il m’a vue ainsi que Brock McGillis, un joueur de hockey ouvertement gai. Brock m’a approchée peu de temps après son propre coming out en 2016 et est devenu un de mes meilleurs amis depuis. Par mon intermédiaire il a rencontré un de mes bons amis, Craig Eagles un entraineur de hockey local et une personnalité médiatique. Yanic a fait son coming out auprès de Craig qui lui a suggéré de parler à Brock et, éventuellement, Craig a écrit le premier article dans lequel Yanic a effectué son coming out. L’histoire de Yanic a aussi été couverte par la personnalité médiatique locale François LeBlanc qui a généreusement couvert mon propre travail et aussi interviewé Brock quand je l’ai amené au Nouveau-Brunswick pour la Soirée de la fierté des Sea Dogs de Saint John (grâce au Directeur Général Trevor Georgie). J’ai reçu après le coming out de Yanic des questions d’amis et de connaissances dans la communauté pour savoir comment le soutenir, si oui ou non je l’avais contacté, et si oui ou non c’est quelque chose qui devrait être discuté avec d’autres équipes. C’est peut-être égoïste de ma part mais je suis fière de mon travail et du fait que mes connexions aient joué un petit rôle dans l’établissement indirect d’un réseau de soutien qui a permis à Yanic de se sentir à l’aise de faire son coming out. Cependant, je suis découragée par les commentaires haineux que cette histoire a reçus en ligne et vais parler plus tard des attaques que j’ai également reçues. J’espère que les personnes qui s’occupent de lui (parce qu’il est en fait un mineur et non pas un athlète junior habitué des médias ou un athlète professionnel comme certains l’ont incorrectement annoncé) ont fait de leur mieux pour le soutenir alors qu’il vient en même temps de commencer une nouvelle année scolaire, avec une nouvelle équipe de hockey et une nouvelle identité publique et tout ça au milieu d’une pandémie globale.
En me basant sur mes recherches, mon engagement dans la communauté, mes relations personnelles et après avoir vu de loin Yanic faire son coming out, je veux partager mes pensées sur ce qui, dans la communauté du hockey, fait qu’un athlète a de la difficulté à s’identifier comme ouvertement gai. Je suggère que ces pensées soient prises comme informations potentiellement utiles et non comme des instructions systématiques dans la mesure où je suis une femme hétérosexuelle et donc ne peux pas être tenue responsable d’offrir un portrait authentique de ce que veut dire être un homme gai dans le monde du hockey malgré ma proximité avec le sujet. Ceci étant dit, voici cinq facteurs qui, je pense, devraient être considérés si vous pensez soutenir un athlète gai, si vous êtes un athlète dans le placard qui songe à faire son coming out, ou si vous souhaitez rendre la communauté du hockey plus inclusive en général :
1. Le niveau d’hétéro-supériorité au sein de la communauté du hockey masculin compétitif est dépendant des habiletés d’un athlète et du degré auquel il est capable de se conformer aux autres standards de comportement acceptable. Mes entrevues avec d’anciens joueurs de la LNH, des joueurs de hockey ouvertement gais, et des joueurs de hockey M18 Majeur ont toutes indiqué que si un athlète est super performant sur la glace, son orientation sexuelle importe moins. C’est particulièrement vrai aux niveaux les plus élevés du sport où gagner est une priorité. Ensuite, mes recherches ont également montré que les joueurs ouvertement gais vont avoir une expérience coming out plus positive avec leurs coéquipiers s’ils se conforment (de façon naturelle ou performative) à la culture hyper-masculine que le hockey encourage. Plus vous êtes similaire en apparence, intérêts et attitudes au reste du monde, moins votre orientation sexuelle importe. Je trouve cela très problématique car je ne crois pas que le niveau de talent ou l’habileté d’un individu à se conformer devrait le mettre dans la position d’être jugé sur la base de son orientation sexuelle. Mais c’est ce que j’ai trouvé et je pense que c’est nécessaire d’y revenir alors qu’on essaie d’examiner les défis associés à être ouvertement gai dans la communauté du hockey masculin.
2. La communauté du hockey est insulaire, aime gérer sa propre réputation, et n’approuve pas quand les athlètes attirent l’attention sur eux. Certains individus savent par ouï-dire ou leurs propres expériences que les organisations de hockey préfèrent gérer leurs problèmes à l’interne ; c’est comme cela qu’on aboutit à des personnes très respectées mais non-expertes qui prennent de mauvaises décisions à propos de l’inclusion dans le hockey par exemple. De façon plus importante, en revanche, cela veut dire que les équipes peuvent ne pas vouloir se retrouver à gérer cela quand un athlète fait son coming out. À ma connaissance, les joueurs avec les expériences les plus positives ont effectué leur coming out auprès de leur équipe en premier et, une fois qu’ils ont établi ce support, ils ont effectué leur coming out au niveau du public. De cette façon l’idée de mettre l’équipe en premier est respectée et l’organisation a un certain degré de contrôle sur ce qui est dit. Cela permet aussi à l’athlète d’éviter d’avoir ses habiletés remises en question parce les joueurs faisant déjà partie d’une équipe ne peuvent pas être accusés d’utiliser la publicité pour faire partie de l’alignement. Dans la même veine, on considère que c’est égoïste de la part d’un joueur de faire sa propre affaire et d’attirer l’attention sur lui. Les anciens joueurs de la LNH que j’ai interviewés offrent souvent PK Subban en guise d’exemple de ça ; peu importe son orientation sexuelle, la garde-robe avant-gardiste de Subban, son activité sur les réseaux sociaux, et l’attention des médias qu’il attire étaient supposément une distraction pour les Canadiens de Montréal et c’est pour ça qu’il a été échangé. Je ne vais pas utiliser cet article de blogue pour partager mon opinion sur la façon dont Subban a été racialisé mais sachez que j’ai conscience de ce problème. Ceci étant dit, un joueur qui fait son coming out publiquement sans le soutien d’une équipe pourrait être perçu comme individualiste et qui a besoin d’attention. Je suis contre cette mentalité et crois que certains membres de la communauté du hockey préfèrent enfouir toute information qui pourrait nuire à la réputation du sport, plutôt que soutenir un athlète, mais ceci, de mon point de vue, est la réalité. Peut-être que, si certains secteurs du sport étaient plus inclusifs, un athlète ne ressentirait pas le besoin de se démarquer et de faire cette annonce.
3. Les personnalités des médias qui aident lors de l’histoire de coming out d’un athlète ont une responsabilité majeure qui va au-delà de leur travail de rapporter des nouvelles ou des événements d’actualité. Je ne suis pas journaliste mais mon expérience de chercheuse m’a montré l’importance de gérer les histoires personnelles avec honnêteté et prudence, surtout quand il s’agit de mineurs qui pourraient être en situation de détresse psychologique en conséquence de leur situation. Autant que possible, assurez-vous que l’athlète écrive l’article et ensuite procédez à l’édition pour le mettre aux standards des médias ; cela permettra de préserver leur voix dans l’histoire. Un excellent exemple de ça est l’article de coming out de Voight Demeester qu’il a écrit pour Outsports. Si l’individu n’est pas à l’aise d’écrire sa propre histoire, assurez-vous de lui poser des questions en ordre logique, qui ne mènent pas à une réponse particulière, et qui se concentrent sur un sujet à la fois. Éviter les questions tendancieuses est crucial selon moi : formuler des questions en utilisant des mots comme « secrets », « mensonges », et « cacher » implique une sorte de négativité que l’individu peut ne pas vouloir associer à son histoire. Assurez-vous aussi qu’ils sachent qu’ils peuvent refuser de répondre à n’importe quelle question qui les rend mal à l’aise et prenez la peine de leur donner l’opportunité d’ajouter quoi que ce soit que vous pourriez avoir manqué. Je recommande, quand vous écrivez l’histoire, d’éviter un ton et une structure qui rendent la situation sensationnaliste, notamment en utilisant des paragraphes d’une seule phrase. Après tout, c’est sans doute un des moments les plus importants de la vie de ces individus et on ne devrait pas dramatiser leurs expériences dans une culture qui valorise l’humilité et la conformité. Finalement, assurez-vous que l’individu ait suffisamment pensé au timing et au contexte de la publication de l’article car cela peut avoir un effet domino sur ses amis, sa famille, les médias, et la communauté du hockey, ce qui pourrait être trop pesant.
4. Le langage anti-gai et anti-femmes utilisé dans la communauté du hockey n’offense peut-être pas tout le monde mais il doit disparaître. Autant mes recherches que mes expériences personnelles ont montré que c’est très facile d’identifier des termes comme inoffensifs quand vous n’êtes pas la cible de ces termes. En tant que femme, je suis offusquée quand j’entends des joueurs de hockey qui se traitent de « tapettes » et « pouffiasses » parce que cela semble impliquer qu’ils sont des femmes et qu’ils sont inférieurs. Je sais que la personne qui utilise ce type de langage n’avait pas l’intention de m’offenser personnellement, mais après l’avoir entendu assez souvent, c’est difficile de ne pas se sentir attaquée. La plupart des athlètes gais que j’ai interviewés partagent ce sentiment à propos du langage anti-gai et j’ai seulement entendu des athlètes straights faire le commentaire que la société a besoin d’arrêter de vouloir le contrôler parce que ce n’est pas réellement blessant. C’est plus largement accepté que vous ne pouvez pas traiter quelqu’un du « N-word », et certainement pas en dehors d’un contexte racial, alors en quoi est-ce différent ? La communauté du hockey devrait tenter d’être plus créative dans son langage ordurier car, selon moi, il n’y a absolument plus d’espace pour rabaisser quelqu’un aux dépens de la dignité d’un troisième parti non concerné. Quelques joueurs ouvertement gais que j’ai interviewés ont dit que ce type de raisonnement a été presque entièrement éliminé des vestiaires quand ils ont fait leur coming out auprès de leurs coéquipiers, donc on a la preuve que c’est possible.
5. S’identifier en tant que joueur de hockey gai n’oblige pas nécessairement un individu à être un porte-parole ou un militant. J’aimerais que ce ne soit pas le cas parce que je veux désespérément que les jeunes athlètes gais aient des modèles sains, mais la vérité est que Yanic n’avait pas à se tourner vers les médias pour son histoire (bien qu’il semble avoir voulu ça) et personne n’a à le faire non plus. À ma connaissance, il y a des hommes gais dans la LNH qui ne veulent pas faire leur coming out parce qu’ils ne veulent pas l’attention (ils veulent mener une vie tranquille). Je peux comprendre ça : ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise sous les projecteurs et ce n’est pas tout le monde qui est équipé pour parler au nom de toute leur communauté simplement parce qu’ils en font partie. Parfois je pense que c’est facile d’ignorer la pression pour les athlètes dans le placard de dévoiler leur orientation sexuelle de la « bonne » façon car c’est tellement important de sensibiliser les gens et humaniser le sujet. J’espère que nous vivrons un jour dans un monde où ces sortes d’annonces ne seront plus importantes.
Je n’ai jamais eu l’opportunité de parler avec Yanic moi-même et je comprends que l’article a été publié avant que Brock ait eu la chance de leur parler de l’effet domino possible de cet événement alors je ne peux pas confirmer si lui et sa famille ont véritablement considéré ces cinq facteurs quand Craig leur a présenté cette information. J’ai communiqué à Craig que je trouvais qu’il avait écrit un article à sensation bâclé et qu’il a choisi de publier l’article quand même, affirmant que c’était ce que la famille voulait. En conséquent, j’ai été accusée par ma communauté de mettre Yanic encore plus à risque et d’avoir trahi mes amis et connaissances alors que je savais très bien ce que je faisais. Mais je suis une adulte, je sais que j’ai fait de mon mieux, et je vais m’en remettre. Ma préoccupation est pour Yanic et comment il va. Il a heureusement reçu beaucoup d’amour et de soutien de partout dans le monde et je suis absolument persuadée que les gens qui s’occupent de lui veulent faire la bonne chose, même s’ils ne savent pas toujours comment. Cette situation est nouvelle pour presque tout le monde mais c’est comme ça qu’on apprend, et je m’inclus là-dedans.
Alors, qu’est-ce qui m’attend maintenant ?
Ma vraie passion est de soutenir les jeunes athlètes et j’aime le milieu universitaire mais je n’aime pas l’idée d’un emploi de prof menant à la permanence. Enseigner tout le temps, faire de la recherche, publier et participer à des conférences ne sont pas des choses qui m’attirent. Alors, j’ai décidé que j’aimerais occuper un poste qui fasse le lien entre sport et études. Je veux être en mesure de travailler avec des étudiants-athlètes sur des choses telles que le succès personnel et académique, tout en maintenant un programme d’enseignement et de recherche qui appuie ce travail. La NCAA (National Collegiate Athletics Association) a un programme en place pour ça mais il y a peu d’équivalent au Canada. J’espère changer cela et suis prête à me faire embaucher dès que mon postdoc est complété ! Je pensais avoir trouvé un emploi mais la pandémie a réussi à compliquer les choses pour presque nous tous. Dans tous les cas, j’ai choisi de réorienter le reste de ma bourse postdoctorale en préparation pour ce but professionnel. J’ai lancé récemment une étude en ligne sur l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la vie des étudiants-athlètes de Sport universitaire de l’Atlantique (SUA). Je veux avoir des données démographiques et mieux comprendre comment leurs activités, relations, et santé mentale ont pu changer en raison de cette expérience. J’espère pouvoir utiliser cette information pour aider les services des sports et administrateurs universitaires à mieux soutenir les étudiants-athlètes avec leur saison qui a été annulée, certains de leurs cours ou tous qui sont ligne, et leur transition de retour au sport.
Souhaitez-moi bonne chance. Peut-être qu’on se reverra. J’adore trop le sport et ma communauté pour dire que j’abandonne les études sur le hockey pour toujours. Mais, peu importe, merci à tout le monde qui a lu mes publications ces dernières années et qui m’a soutenu autant dans ma vie personnelle que dans ma vie professionnelle. Je trouve que j’ai eu un impact positif à la fois dans la communauté académique et celle du hockey et, malgré des défis variés, je vais de l’avant le cœur léger.

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