
Panel de joueurs – Table ronde sur le racisme dans le hockey. De gauche à droite : Bob Dawson, Lali Toor, Jaden Lindo, Kalley Armstrong, Courtney Szto. Photo de Tallulah Williams.
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Le 30 mars 2019, une table ronde sur le racisme dans le hockey a été organisée à l’Université Queen’s à Kingston, Ontario, Canada. Le but de cet événement était de mettre en évidence à quel point le racisme est un problème important et persistant dans le hockey. En outre, nous voulions créer quelque chose de concret pour celles et ceux qui veulent faire partie de la solution. Onze mois plus tard, nous sommes fiers de présenter 10 appels à l’action ciblant spécifiquement les individus, les ligues, les organisations, et les médias qui souhaitent contribuer à un futur plus équitable et inclusif pour le sport. Cette politique est co-écrite par moi-même, Sam McKegney (Université Queen’s), Bob Dawson, et Michael Auksi.
Comme Sam McKegney, PhD., l’explique :
Des incidents racistes se produisent sur une base régulière et la communauté du hockey est, à juste titre, consternée. Mais l’attention diminue éventuellement et on est alors de retour à la routine, avec aucun changement structurel ou systémique notable. Nous sommes en faveur de changements pratiques et concrets qui, selon nous, rendront non seulement le hockey plus inclusif mais permettront aussi de libérer tout son potentiel d’outil de changement social positif.
La table ronde sur le racisme dans le hockey était l’idée personnelle de Bob Dawson. C’est un consultant sur la diversité, un historien du hockey noir, et il a été le premier homme noir à jouer pour l’Université St. Mary’s en 1967. Bob m’a un jour contactée avec ce projet de table ronde et c’était parti ! Il a également joué un rôle crucial dans la reconnaissance de la Colored Hockey League des Maritimes qui a abouti à son propre timbre commémoratif pour célébrer le 125ème anniversaire de la ligue. Par rapport à la création de la politique, il déclare :
Minimiser, négliger ou même ignorer le problème grandissant du racisme dans le hockey va mettre la santé à long terme et le futur du sport au Canada en péril. Pour moi, cette politique identifie clairement des mesures et stratégies proactives dans 10 domaines clés qui peuvent être entreprises par Hockey Canada afin de rendre le hockey plus sécuritaire, plus accueillant et plus inclusif.
Le monde du hockey a pris très longtemps à accepter son rôle dans la lutte contre le racisme et à raconter des histoires variées et il y a encore un long chemin à parcourir. Ceci étant dit, chaque fois que des changements se produisent, c’est habituellement grâce à des individus comme Bob Dawson qui travaillent d’arrache-pied dans l’ombre.

Table ronde sur le racisme dans le hockey. Photo de Tallulah Williams.
Michael Auski qui est un étudiant au doctorat de l’Université McGill d’origine anichinabée et estonienne examine l’histoire du hockey au sein de la Première Nation de Lac Seul. De façon semblable à Dawson, l’intérêt d’Auksi pour l’antiracisme provient de son expérience personnelle :
J’ai vécu et vu de mes propres yeux les joies associées au sport fantastique qu’est le hockey. Je ne me suis pas toujours senti en sécurité à la patinoire mais mon amour pour le sport a toujours triomphé. Personne ne devrait arriver à l’aréna et se sentir en danger. Pour tous ceux d’entre nous qui se soucient véritablement du passé, du présent et du futur du hockey, cette politique est le point de départ d’une aventure magnifique.
Nous nous devons aussi de reconnaître Eugene Arcand, conférencier d’honneur de la table ronde en 2019, qui a exigé cette politique en échange de sa participation. Il est rapidement très clair dans le discours liminaire de M. Arcand que demander aux survivants des pensionnats autochtones de parler de leur traumatisme leur apporte personnellement peu mais que c’est utile surtout pour celles et ceux qui n’ont jamais été soumis à de telles institutions [le discours de M. Arcand n’est pas disponible avec les autres vidéos de la table ronde à sa demande]. Le hockey était intimement lié au traumatisme dont il a souffert dans son pensionnat autochtone, mais il lui a aussi permis d’obtenir des privilèges qui lui étaient inaccessibles avant d’être reconnu comme joueur de hockey. Par exemple, même si les peuples autochtones sont discriminés et harcelés par les forces de l’ordre de façon disproportionnée (30% de représentation autochtone en prison, 42% au sein de la population carcérale féminine), Arcand a bénéficié de l’indulgence de la police à mesure que son statut dans le hockey est devenu plus important. Ce sont précisément ces types de relations ambigües et problématiques qui méritent plus d’attention et le hockey fait partie de la discussion qu’on le veuille ou non.
Les médias ont tendance à poser la mauvaise question : est-ce que la culture du hockey est raciste ? Ou est-ce que le hockey est plus raciste que les autres sports ? En réalité, le hockey n’est pas plus ou moins raciste que n’importe quel autre sport. Nous avons vu l’abolition de la justice raciale dans la LNF même si les joueurs noirs sont représentés de façon disproportionnée sur le terrain et il y a des instances de racisme dans le soccer autour du monde presque tous les jours. Comme David J. Leonard, PhD, l’a écrit pour Vox en 2016 : « La proximité [avec la différence racisée] ne garantit pas la compréhension, l’empathie ou même le respect. » C’est pour cela que notre document de politique porte sur l’antiracisme et non sur les efforts en faveur de la diversité. Contrairement à la diversité, le racisme n’est pas une question de nombre. C’est une question de relations de pouvoir et il est grand temps qu’on la traite en tant que telle.

Jaden Lindo – Table ronde sur le racisme dans le hockey. Photo de Tallulah Williams.
Personnellement, je pense que cela revient toujours à deux mythes canadiens que nous aimons nous répéter et communiquer au reste du monde :
- Le hockey est le Canada
- Le Canada valorise le multiculturalisme
Si ces deux mythes sont supposés être vrais séparément alors, ensemble, ils ne devraient pas se contredire. Le fait est que « le sport du Canada » ne reflète pas la plupart des gens du Canada et, alors que le hockey n’est pas uniquement un sport pour les canadiens, ces mythes et sa position comme passe-temps hivernal national ont mis la barre plus haut pour le hockey canadien que pour toute autre fédération ou tout autre nation. Le hockey peut être un excellent sport quand les bonnes conditions sont réunies mais il n’en demeure pas moins que « le sport du Canada » n’offre aucune opportunité pour les femmes au Canada aujourd’hui, qu’il n’y a aucun joueur de la LNH ouvertement gai et que le racisme est encore présent à la patinoire quel que soit le niveau. Nous espérons que ces appels à l’action rendront le sport plus proche de cet idéal du hockey pour tous.
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